︎ intervalles


exposition personnelle à la Gue(ho)st House du
CAC - la synagogue de Delme de Jan. à Fev. 2022


︎ Benoît Lamy de la Chapelle
︎ CAC - la synagogue de Delme




Armelle Tulunda réalise des œuvres dans le champ de la photographie et de l’image au sens large, par production directe mais aussi par appropriation d’images extraites d’ouvrages ou de sites internet de vulgarisation scientifique. Elle s’intéresse plus particulièrement à la construction de ces images, non seulement d’un point de vue scientifique, mais aussi politique, sociologique et historique. En pointant leurs modes de fabrication, elle souligne la manière dont ces images révèlent un état de l’univers ne relevant pas strictement d’une vérité indiscutable. Autodidacte en science et appréhendant cette discipline avec un regard assumé d’artiste, Armelle Tulunda s’inspire d’abord de la beauté de ces images, de leur qualité poétique, tout en prenant conscience de la facticité de leur apparence : telles celles transmises depuis le début des années 90 par le télescope spatial Hubble1 qui, n’étant pas assez précises à l’état brut, doivent être colorées, retouchées, afin de devenir plus lisibles scientifiquement, et accessibles au grand public. L’artiste trouve dans ces méthodes ignorées, un espace de liberté à partir duquel faire dériver ses propres images du cosmos, entre rêveries infinies, abstraction poétique et, en filigrane, une réalité de production des images procédant d’enjeux politiques et économiques souvent éloignés de la recherche scientifique pure. Apparait alors un « réalisme » scientifique d’une grande subjectivité ayant des conséquences notables sur l’imaginaire cosmique collectif, tournant ainsi une image optimisée pour la recherche en documentation authentique.

Armelle Tulunda se plaît à ancrer ses œuvres dans une situation paradoxale, celle confrontant une imagerie d’une grande précision, fournie par des outils à la technologie toujours plus puissante - dont elle s’approprie les codes -, et la production d’images à l‘atelier, artisanale, puisque recourant à des techniques photographiques ne nécessitant pas d’appareillage sophistiqué, tel que le photomontage ou encore la photographie analogique avec le chimigramme. Ces diverses manipulations permettent à l’artiste d’interroger le médium photographique, son histoire, ainsi que sa fragilité à représenter le réel au-delà de sa surface, souvent considérée par la majorité comme vérité irréfutable. Elle s’intéresse ainsi à la manière dont chacun perçoit les phénomènes non-accessibles directement aux communs des mortels, et comment ces derniers lient leur subjectivité à l’inconnu, en amalgamant histoires personnelles et discours scientifiques officiels, composant ainsi la connaissance du monde et une certaine vérité, orientée dans une direction plutôt qu’une autre.

Suite à ses premières recherches dans le domaine de l’astronomie, Armelle Tulunda s’intéresse récemment au phénomène de pollution lumineuse : celle, omniprésente mais discrète qui ne fait pas vraiment débat, qui n’alimente pas les thèses catastrophistes, mais qui aura pourtant des séquelles non négligeables sur l’évolution des humains et non-humains dans leur rapport aux cycles biologiques. Car la lumière produite par l’environnement urbanisé ne permet plus à ceux qui y vivent d’être reliés au monde céleste, rendu invisible par un épais brouillard lumineux... L’artiste, ayant grandi en région parisienne relate l’anecdote suivante :  « Pendant une visite il y a quelques années à la Cité des Sciences et de l’industrie à Paris, j’ai assisté à une séance au sein du Planétarium. Celle-ci présentait les différentes étoiles, planètes, ou encore phénomènes que nous pouvions voir à l’oeil nu. Malgré la qualité des images projetées, je n’ai pas pu m’empêcher de ressentir une insatisfaction que j’ai mis du temps à verbaliser. S’il y a tant de choses riches à voir, simplement en ayant accès à un ciel nocturne le plus dénué de pollution lumineuse, pourquoi m’étais-je déplacée dans un espace clos pour voir des images de synthèse? ».  Dans le cadre de son exposition Intervalles dans la vitrine de la Gue(ho)st House, l’artiste confronte son expérience citadine avec celle de Delme, où les étoiles sont bien visibles durant la nuit. Les œuvres présentées conduisent à une réflexion  sur nos relations personnelles au cosmos, sur nos pertes de repères considérés comme « naturels », et sur une période de crise écologique nécessitant souvent de trouver de nouvelles formes de reconnexion avec l’univers.

1. Le télescope spatial Hubble est un télescope spatial développé par la NASA avec une participation de l'Agence spatiale européenne, opérationnel depuis 1990. Une aberration optique particulièrement grave est découverte peu après qu'il a été placé sur orbite. Le congrès américain, ne s’y retrouvant pas dans la rapport coût du projet/promesse d’une meilleure visibilité de l’espace, a donc dû mettre les scientifiques face à leurs responsabilités. Un travail de retouche d’images en post-production, apportant une vision particulièrement enchantée du cosmos, a donc été nécessaire dans le cadre de ce projet.
Armelle Tulunda creates artworks within the field of photography and imagery in the broad sense, through direct production, but also by appropriation of images taken from books or scientific websites designed for the general public. She is especially interested in the construction of these images, not only from a scientific point of view but also from political, sociological, and historical perspectives. By highlighting their modes of production, she underlines the way in which these images reveal a state of the world that does not strictly stem from unquestionable truth. A self-taught scientist who approaches this discipline with a deliberately artistic gaze, Armelle Tulunda was initially inspired by the beauty of these images, their poetic quality, while becoming aware of the facticity of their appearance: such as the ones transmitted since the early nineties by the Hubble space telescope1, which, since they are not sufficiently precise in their raw state, must be coloured, retouched, thus becoming more legible scientifically and accessible to the general public. The artist finds a pocket of freedom in these unknown methods, thus allowing her own images of the cosmos to stray, between infinite reveries, poetic abstraction and, implicitly, a reality of image production arising out of political and economic issues that are often far removed from pure scientific research. A highly subjective scientific “realism” thus emerges, with notable consequences on the collective cosmic imaginary, thus turning an image optimised for research into authentic documentation.

Armelle Tulunda likes to anchor her artworks within a paradoxical situation, that of confronting imaging of great precision, supplied by tools with increasingly powerful technology – whose codes she appropriates – with the artisanal production of images in the workshop, drawing on photographic techniques that do not require sophisticated equipment, such as photomontage or analogue photography using chemigrams. These various manipulations allow the artist to question the photographic medium, its history, as well as its fragility in representing the real beyond its surface, often considered by the majority as an irrefutable truth. She is therefore interested in the way in which individuals perceive phenomenon that are not directly accessible to most people, and how the latter link their subjectivity to the unknown, by amalgamating personal stories with official scientific discourses, thus composing knowledge of the world and a degree of truth, oriented in one direction over another.

After her initial research in the field of astronomy, Armelle Tulunda recently became interested in the phenomenon of light pollution: omnipresent yet discreet, this form of pollution does not really spark debate, or fuel disastrous theses, but it nevertheless has not inconsiderable effects on the evolution of humans and non-humans, in their relationship to biological cycles. The light produced by the urban environment no longer enables those who live there to be connected to the celestial world, rendered invisible by a dense fog of light… The artist, having grown up in the Paris region tells the following anecdote: “On a visit several years ago to the Cité des Sciences et de l’Industrie in Paris, I went to a screening at the Planétarium. The film presented the various stars, planets, or phenomena that we could see with the naked eye. Despite the quality of the images screened, I couldn’t help but feel dissatisfied – a feeling that it took me a while to verbalise. If there are so many amazing things to see, simply by having access to a night sky devoid of light pollution, why had I gone indoors to see computer-generated images of them?” Within the framework of her exhibition Intervalles in the window of the Gue(ho)st House, the artist confronts her urbanite’s experience with that of Delme, where the stars are clearly visible by night. The works presented make us think about our personal relationship to the cosmos, our loss of bearings considered “natural”, and about a period of environmental crisis often obliging us to find new forms of reconnection with the world.

1. The Hubble space telescope was developed by NASA with participation from the European Space Agency, and has been in operation since 1990. A particularly serious optical aberration was discovered shortly after it was put into orbit. The US Congress, not satisfied with the ratio project cost/promise of a better visibility of space, therefore had to confront the scientists with their responsibilities. Retouching work on the post-production images, which provides a particularly enchanting vision of the cosmos, thus became necessary within the framework of this project.




Chapitre I le ciel vu de la Terre

Observatoires
2021

Trois impressions fine art sur papier Hanemüelhe contrecollées sur dibond. 50 x 70 cm chacune.
Risographie sur papier, ed.100. 29,7 x 42 cm.
Produit par le CAC - la synagogue de Delme

Three fine art prints on Hanemüelhe paper mounted on dibond. 50 x 70 cm each. Risography on paper, ed.100.29,7 x 42 cm.
Produced by CAC - la synagogue de Delme



Observatoires fait référence à une expérience ayant marqué l’artiste pendant son enfance : celle de parcourir des cartes de la voute céleste, mais de ne “rien voir” de la fenêtre de sa chambre située en banlieue parisienne. Grâce à un logiciel permettant de dessiner des cartes du ciel d’après les données de 16 catalogues d’étoiles est créée une série de cartes qui remet en question la “véracité” des outils géographiques, telle que la carte : où se situe la vérité ? Dans une carte présentant des étoiles, mais ne prenant pas en compte la pollution lumineuse de l’observateur ? Ou dans une carte créee par un individu, qui se base sur des données, mais aussi sur sa propre perception du ciel ? Ses cartes, se situant à travers le temps et l’espace (entre l’enfance et l’âge adulte, entre la République Démocratique du Congo et la France) de sa vie personnelle rend compte d’un rapport au ciel nocturne qui au 21ème siècle est empreint de problématiques liée à la luminosité artificielle des environnements nocturnes qui sont technologiques, sanitaires et écologiques.
Chapitre II : la Terre vue du ciel

Sur la terre comme au ciel
2021

Trois tirages argentiques lambda. 146,7 x 110 cm.
Produit par le CAC - la synagogue de Delme

Three lambda silver prints. 146,7 x 110 cm.
Produced by CAC - la synagogue de Delme



La lumière artificielle a envahit les nuits, créeant des crises sanitaires et écologiques, perturbant nos rythmes circadiens et des écosystèmes : parmi tant d’autres, les oiseaux migrant ou chassant grâce à la lumière de la Lune ou des étoiles se retrouvent perdus au milieu des éclairages. S’intéressant à cette notion de perte de repères, l’artiste a crée des photomontagesréalisés à partir des vues du ciel prises par le satellite météorologique états-uniens NOAA ayant servi à la création du Nouvel atlas de la luminosité artificielle du ciel nocturne (2016). Les images des contients respectifs les plus touchés, l’Europe, l’Amérique et l’Asie sont ici réassemblés pour créer une version de ces continents qui ne se basent plus sur le territoire géologique, mais sur les motifs que la pollution lumineuse crée. Bouleversant ainsi avec des représentations des continents vus de l’espace présents dans l’imaginaire collectif et qui ont été historiquement mises en lien avec des organisations nées de prises de conscience écologiques tels que l’Assocation internationale Dark Sky consitutuée au États-Unis en 1988, l’artiste nous invite à remettre en question nos manières de faire relation au monde.
Chapitre III : évènements de médiation

Rencontre : Et si la nuit n’existait pas ?
avec Didier Mathieu, directeur du planétarium d’Épinal.

Atelier : Géographies imaginaires



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